J'ai ancré
l'espérance
Aux racines de la vie
Face aux ténèbres
J'ai dressé des clartés
Planté des flambeaux
Des clartés qui persistent
Des flambeaux qui se glissent
Entre ombres et barbaries
Des clartés qui renaissent
Des flambeaux qui se dressent
Sans jamais dépérir
J'enracine
l'espérance
Dans le terreau du cœur
J'adopte toute l'espérance
En son esprit frondeur
Andrée Chedid
|
Les premiers mots furent pollués
Comme l'eau du fleuve au matin
Coulant avec la crasse
Des jaquettes élogieuses et des éditoriaux.
Je m'abreuve au seul sens surgi de l'esprit profond,
A ce que boit l'oiseau, et l'herbe, et la pierre.
Seamus Heany
Il
appareille sa vie comme on bâtit un mur,
avec
des sentiments droits et des désirs inquiets,
avec
des égards pour chaque pierre et de la bonhomie,
avec
des projets et des fumées, avec des ruines,
avec
ce qui dure peu, qui est éternel.
André
Frénaud
Souvent le cœur qu'on croyait mort
N'est qu'un
animal endormi ;
Un air qui
souffle un peu plus fort
Va le
réveiller à demi ;
Un rameau
tombant de sa branche
Le fait
bondir sur ses jarrets
Et,
brillante, il voit sur les prés
Lui sourire
la lune blanche.
Cécile Sauvage
Pour ce que tu veux rapprocher
Allume l'aube dans la source
Tes mains lieuses
Peuvent unir lumière et cendre
Mer et montagne plaine et branches
Mâle et femelle neige et fièvre
Et le nuage le plus vague
La parole la plus banale
L'objet perdu
Force-les à battre des ailes
Rends-les semblables à ton cœur
Fais-leur servir la vie entière
Paul Eluard
Comment va le monde ?
Il va comme il va
La machine est
lourde
On la
traînera
Pierre
Seghers
L'oiseau de neige et de vent
s'est posé
sur ma fenêtre.
A la terre il faut
renaître,
il faut labourer
encore
dans la glaise du
matin,
faucher comme lui
le blé
de l'aurore,
à grands coups d'ailes
Louis
Guillaume
Ces jours qui te semblent vides
Et perdus
pour l'univers
ont des
racines avides
qui
travaillent les déserts
Paul Valery
|
En
ce monde où
la vie se
disloque ou
s'assemble sans
répit le
poète enlace
le mystère invente
le poème ses
pouvoirs de partage sa
lueur sous les replis.
Andrée Chedid |
Huit
heures, la maison fraîche semble sourire
Par
sa vitre bien claire aux arbres du jardin.
Le
rideau tremble au vent qui passe, et tout respire
La
jeunesse que donne aux choses le main
Albert
Samain
|
La
vérité toute nue
Sortit
un jour de son puits.
Ses
attraits par le temps étaient un peu détruits.
Jeunes
et vieux fuyaient sa vue.
La
pauvre vérité restait là morfondue,
Sans
trouver un asile où pouvoir habiter.
A
ses yeux vient se présenter
La
fable richement vêtue,
Portant
plumes et diamants,
La
plupart faux mais très brillants.
« Eh !
Vous voilà ! Bonjour dit-elle,
Que
faites-vous ici seule en chemin ? »
La
Vérité répond : « Vous le
voyez, je gèle...
Jean-Pierre
Claris de Florian
|
Il
ne fait pas nuit sur la terre ; l'obscurité rôde,
elle erre autour du noir. Et je sais des ténèbres si
absolues que toute forme y promène une lueur et y devient le
pressentiment, peut-être l'aurore d'un regard.
Ces
ténèbres sont en nous. Une dévorante
obscurité nous habite.
Joë
Bousquet
|
De quel pouvoir tiens-tu ce
plein pouvoir
de commander mon cœur par ton insuffisance, de me faire à ma
propre vision donner mensonge, jurer que la clarté
n'embellit pas le jour ?
William
Shakespeare
|
N'est point un rossignol, ma muse point de trille et de mélodie, mais c'est une vieille
commère, et
racornie et enlaidie.
Une esseulée aux orphelins éparpillées de par le
monde, miséreuse,
soir et matin, qui jure
et qui gronde Iszac
Peretz |
Je me suis assis au pied d'un
chêne noir et
j'ai laissé tomber ma pensée. Une grive se posait haut. C'était
tout. Et la vie, dans
ce silence, était magnifique, tendre et grave. Francis Jammes |
Au fond je n'ai pas de message rien de sublime Je parle avec la voix d'un dieu
quotidien que nous
reconstruisons ensemble
Xavier Bordes
|
La tâche est grande
on n'y suffit à peine.
Il faut d'abord
refaire la vie, une fois refaite
on pourra la chanter. Notre
temps, pour la plume,
n'est pas très facile. Vladimir Maïakovski |
Il appareille sa vie comme on bâtit un mur, avec des sentiments droits et des
désirs inquiets, avec des égards pour chaque
pierre et de la bonhomie, avec des projets et des
fumées, avec des ruines, avec ce qui dure peu, qui est
éternel. André Frénaud |
La matinée se
lève
toi debout il est temps... le soleil nous inonde
regarde-moi ce bleu... lève-toi donc
respire...
Faut labourer la terre et tirer l'eau du puits
Changer
la vie et puis
abolir la misère regarde l'alouette
il est
midi sonné
le monde abandonné je le donne aux
poètes...
le soleil est très haut le monde sera beau
je
l'affirme et je signe
Henri Gougaud
|
Il
n'était pas comme ces hommes perclus de fatigue
qui voient l'espoir s'éloigner d'eux de
plus en plus.
Il allait par les prés en parlant aux
fleurs
comme on parle à des frères.
Rainer
Maria Rilke
Que ma
voix vous parvienne donc
chaude et joyeuse et résolue
sans crainte et sans remords
Et bonjour quand même et bonjour pour demain !
Bonjour de bon cœur et de tout notre sang !
Bonjour, bonjour, le soleil va se lever sur Paris,
même si les nuages le cachent il sera là
Bonjour, bonjour de tout cœur bonjour !
Valentin Guillois, Robert Desnos |
|
Je
lègue à mes enfants cette aube sans couleur
le pain triste les rues...
Je lègue les fontaines
qui m'ont parlé la nuit...
les rêves d'un bonheur
toujours décomposé...
Je mourrai divisé
mécontent sans espoir
Je lègue à mes enfants
un immense devoir :
Reprendre pied Revivre
Achever chaque soir
la tâche du matin
Donner enfin aux autres
une eau plus douce à boire...
Je lègue à mes enfants
un impérieux devoir :
Ne pas désespérer
Georges
Haldas
|
J'ai mal au monde entier
Qui oublie l'exemple des moissons
Et la liesse des guirlandes
J'ai mal à toutes les vies
Parce qu'elle sont coiffées de mort
J'ai mal à l'avenir coincé dans les cavernes
à mon âme qui n'accepte pas
à mon corps qui n'a pas tout son soûl
Et à ceux qui vont partir
Et à ceux qui vont venir
Car ils laissent les champs en broussailles
Et les oiseaux avoir peur du ciel
Guy Lévis Mano
|
|
Inutile de rebrousser vie
par des chemins qui hantent des lointains
demain nous empoigne dans son rétroviseur
nous abîmant en limaille dans le futur déjà
et j'ai hâte à il y a quelques années
l'avenir est aux sources
Gaston Miron
|
|
Il
suffit de quatre vers de cinq pieds pour nous mettre en présence
de l'énigme de toute vie.
Jeanne-Marie Baude
|
Mort d'un arbre
Alité sur la mousse et la ruine des fleurs,
Tenant, ainsi qu'un dieu, immobile et grondante
Sa tête, il aura beau cracher loin de son cœur
Son désespoir d'aimer les nues indifférentes,
La vanité des eaux et les plaines stagnantes,
Il aura beau crier qu'il aidait au bonheur
Des herbes, des printemps, des destins et des chantres,
Qu'à l'aube il s'élançait sans attendre son heure
Et qu'il jugeait toujours sa peine insuffisante,
Cet être presque humain, nul ne voudra l'entendre
Armand
Robin
|
|
|
J'ai force
suffisante en moi
pour me lever chaque matin
le dur est de s'incliner
à nouveau après cette halte
en luminosité lunaire
où le rêve tisse une toile
que l'on déchire dans la rue
Pas à pas ramendons
filet de notre vie imaginaire
Georges
Perros
|
|
Tout est toujours
à remailler du monde Le paradis
est épars, je le sais, C'est la
tâche terrestre d'en reconnaître Les fleurs dissimulées dans l'herbe pauvre
Yves
Bonnefoy
|
|
Pour moi, je n'ai jamais regardé
sans une espèce de vénération l'espace profond et
sacré, et lorsque, cheminant le soir, je le contemple, je me dis
parfois que tous les hommes, depuis qu'il y a des hommes, ont
élargi leur âme en lui, et que si les rêves humains
qui s'y sont élevés laissaient derrière eux, comme
l'étoile qui fuit, une trace de lumière, une immense et
douce lueur d'humanité emplirait soudain le ciel.
Poèmes
en prose Jean Jaurès
|
Le matin
Dit qu'il essayera.
Tout
Ne sera pas tenu.
La fatigue
N'est pas de mise.
Je m'accrocherai,
Rumine le matin.
Je m'accrocherai
Tant que je pourrai.
Possibles
futurs, Eugène Guillevic
|
|
«
Aller à la vie des mots le fond giclant soudainement de la
forme. Pour y parvenir, il faudra que le mot remonte à sa
source, s'y trempe, y reprenne son originelle vérité, son
énergie première il faudra dis-je que la parole
redevienne le Verbe et que les mots éteints se refassent
lumineux » « Le mot se meurt il faut le
vivanter »
Saint
Pol Roux
|
Une voix, une voix qui
vient de si loin
Qu'elle ne fait plus tinter les oreilles,
Une voix, comme un tambour, voilée
Parvient pourtant, distinctement, jusqu'à nous.
Et vous ? Ne l'entendez-vous pas ?
Elle dit « la peine sera de peu de durée »
Elle dit « la belle saison est proche ».
Ne l'entendez-vous pas ?
Robert
Desnos
|
|
un enfant
parfois se redresse
en équilibre du néant pour
inventer la joie des feuilles
Claude
Serreau, Retrait des rives
|
|
Je
cherche des images comme des passages qui mènent à
l'ici-bas, réconciliant poésie et pesanteur terrestre...
Les mots qui ne sont pas émus par les rencontres du chemin ne
parlent pas.
Michel
Baglin
|
Je suis
étonné d'en arriver là à
réfléchir à l'art du poème
qui est l'art du cœur et de l'aube des gestes
sur les rimes qui surviennent comme un besoin d'embrasser
à l'absence de tout signe séparant l'espace des paroles
et je pense à ta lettre me demandant le pourquoi
c'est pour laisser l'oiseau circuler dans l'air des mots...
Luc
Vidal
|
|
On
se demande pourquoi la foudre les a frappés plutôt que
d'autres. Pendant que j'écris ces lignes, je pense brusquement
à quelques-uns de ceux qui faisaient le même métier
que moi. Aujourd'hui, le souvenir d'un écrivains allemand est
venu me visiter. Il s'appelait Friedo Lampe
Un autre écrivain allemand, Félix Hardaub, était
originaire du port de Brême, comme Friedo Lampe
Et maintenant, pourquoi ma pensée va-t-elle, parmi tant
d'autres écrivains, vers le poète Roger
Gilbert-Lecomte ? Lui aussi, la foudre la frappé à
la même période que les deux précédents,
comme si quelques personnes devaient servir de paratonnerre pour que
les autres soient épargnés
à la même époque, j'ai rencontré un docteur
nommé Jean Puyaubert
Je ne sais ce qu'est devenu le docteur Jean Puyaubert. Des dizaines
d'années après l'avoir rencontré, j'ai appris
qu'il était l'un des meilleurs amis de Roger Gilbert-Lecomte
En juillet 1942 son ami Ruth Kronenberg s'est fait arrêter
Elle aimait le théâtre et la poésie
Des deux recueils de poèmes qu'il avait publiés quelques
années avant la guerre, l'un s'appelait : La Vie,
l'Amour, la Mort, le Vide et le Vent
Albert SciakyIl avait publié à vingt et un ans, en
1938, chez Gallimard, un premier roman
Patrick
Modiano
|
« Je
crois incrédulement en Dieu
Parce que croire je veux,
Parce que jamais n'y fût réduit si fort
Un vivant un mort »
« À l'heure qu'on me quitta,
À l'heure que mon âme fut très bas dans mes bras,
En tapinois, sans que je prévoie,
Dieu me prit dans ses bras.
Avec trompettes ? Non pas !
Avec embrassement de muet, réels bras »
Poème
d'Ady traduit par Armand Robin
|
|
Où ?
Ce qui n'est pas dans la pierre,
Ce qui n'est pas dans le mur de pierre et de terre,
Même pas dans les arbres,
Ce qui tremble toujours un peu,
Alors, c'est dans nous. |
Guillevic
Sphère
|
Quand on
est lointain,
on arrive au coeur de la nature.
On écoute la pluie et le vent comme de
la musique,
on invite le nuage à être notre
compagnon
He Oing XXe
siècle
|
|
Un jour viendra
Un jour viendra
Où tout s'effacera
Ce que j'aime à regarder
Ceux que j'aime à contempler
Le Pays blanc d'Hélène
Les champs de lin bleu de Ferrat
Les épaules nues
Où se nichent les mots de Cadou
L'immensité de l'Océan
Au-delà de l'horizon
Au-delà de la raison
Un jour viendra
Où tout s'effacera
Le parfum des lilas mauves et blanc
À l'orée du printemps
Le papillon s'enivrant de corolle en corolle
La rainette qui de son chant
M'annonce la pluie et le beau temps
Les douze coups de midi au clocher de l'église
Les enfants dans la cour de l'école voisine
Les sourires échangés
Les petits bonheurs partagés
Un jour viendra
Où tout s'effacera
Les dames de Fréour
À la beauté drapée de blanc
Le plaisir qui frémit sous tes doigts
La mélancolie de l'arbre
Éperdu d'amour pour l'oiseau
Parti vers des terres lointaines
Sans laisser d'adresse
La douce caresse de l'été
Qui couvre les chemins de blé
D'or et de lumière
Mon regard fuit l'avenir
Et marche à reculons
Dans l'empreinte des souvenirs
Par un simple soupir
Comme on souffle sur une bougie
J'efface tout
Et je recommence ma vie
Yves Maurice
|
|
Je
tiens le monde par l'oreille. Celui de la maison, celui du dehors,
celui du village. L'oreille devient musicienne
Depuis
l'apprivoisement du silence je me méfie des mots approximatifs
et des paroles inutiles.
Marie-Rouanet
|
Je
méditais ; soudain le jardin se révèle Et frappe d'un seul jet mon ardente prunelle. Je le regarde avec
un plaisir éclaté ; Rire,
fraîcheur, candeur, idylle de l'été ! Tout
m'émeut, tout me plaît, une extase me noie, J'avance et je
m'arrête ; il semble que la joie Était sur
cet arbuste et saute dans mon cœur ! Je suis pleine
d'élan, d'amour, de bonne odeur, Et l'azur à
mon corps mêle si bien la trame Qu'il semble
brusquement, à mon regard surpris, Que ce n'est pas
ce pré, mais mon œil qui fleurit Et que, si je
voulais, sous ma paupière close Je pourrai voir
encore le soleil et la rose.
Anna de Noailles |
L'arbre vêtu de
bure
Sur le prie-Dieu des
feuilles
Jean-Claude
Albert Coiffard
|
Un seul jour
suffirait
Une
belle journée Facile à
vivre
Avec
de grands yeux étonnés
René
Guy Cadou
|
Les lettres se figent parfois dans un grand spasme de surprise
d'où surgit l'étoile illisible, le hiéroglyphe
fulgurant, qui traverse à deux mille à l'heure les lianes
de notre cerveau, créant l'explosion libératrice avec ses
tentacules de silence, ses éjaculations de savoir, ses
certitudes indémontrables dans la prairie de la mémoire
rétractile. Ainsi s'instaure l'acte poétique, à
l'instant où surgit, entre désir et mort, le néant
exacerbé.
Jean-Paul Plantive
|
La petite fille aux cheveux d'argent
regarde tendrement son jardin, il y faisait des légumes, elle,
des fleurs « Mais il n'y en a plus beaucoup
maintenant ». « Je voulais vous prêter ce
petit livre de poésie « c'est un Grec ».
« Ritsos, oui, c'est cela ». « Il me
plaît beaucoup ». Et elle se met à
réciter :
« Les
bouvreuils sont venus et restés seuls.
Rangées de bancs dans le jardin.
Sur l'écran d'une rose blanche
Jouait l'ombre de la toile d'araignée.
Plus tard une étoile est venue puis une abeille »
Elle hésite, ne se trompe pas, continue souriante et
triste :
« Et là, au moment du baiser, le film s'est
cassé.
Soudain plus de lumière, le jardin a pris congé,
Les feuilles sont tombées, restèrent les
épines. »
MLJH La
vieille dame
|
Chanter
la nuit
Les complaintes désaccordées
sur le luth brisé de l'enfance,
sauver un bout de mélopée,
extirper du sombre chaos
le chant royal du bel amour.
Chanter le
jour
reprendre la vie da coda,
le soleil, la fière romance
de l'homme sur la barricade,
criant aux tympans desséchés
le chant royal du bel amour.
Ainsi les
mots, ainsi les sons,
par dessus les haies, par-dessus les plaies,
le chant royal du bel amour.
Loïc
Collet
|
|
Mais quand toutes les nouvelles sont dites et que j'ai
bien rendu mes devoirs de paroles aux gens qui parlent, je m'enfuis
d'un pieds léger, je vais reconnaître au bord des chemins
mes amis de tous les talus. Ils sont là qui m'attendaient, les
petites jeunettes : Brunelle, Potentille, Pimprenelle, l'enfant
Serpolet et la jolie Raiponce ; puis les anciennes, les
sérieuses : Achillée, Matricaire, Benoîte, la
grande Jacobée et le petit grand-père
Séneçon à la barbiche blanche, le bonhomme
Plantain, le compère Barbeau, l'Aigremoine Et tout à
coup au milieu d'eux, je retrouve mon pays, mes proches
Marie
Noël
|
Je te donne
à lire le livre qui est dans le livre et le mot qui est dans le
mot.
Tu sauras, alors, qu'une fois écrits, il n'y a pas de livre qui
ne soit livres ni de mot qui ne soit mots.
Edmond
Jabès, El, ou le dernier livre
|
Je
marche auprès de moi, parfois, en tenant par la manche l'enfant
si frêle que je fus : pour tenter en vain de me connaître
mieux Je ris souvent de moi, jusqu'à l'éclat, la grimace
ou la folie, en particulier quand, tirant mon épingle, je
constate comme vous peut-être que ce n'est jamais qu'un jeu
Songeries
d'un
rêveur insulaire sur le grand
océan des mots,
lorsque le verbe se fait mer
Jean-Marie
Gilory
|
Chapelle de Hameau
À Francis Jammes.
Sur champ de sinople.
Branche aux tresses de lierre, emmi des tombes, elle
s'élève telle une gardeuse d'oies gaillarde
Le tout roidi par le temps.
Que j'en ai rencontré de ces vastes gardeuses - aux oreilles de
confessionnal, à la poitrine comble de rosaires et de cantiques
et de roucoulement d'harmonium - sous le hennequin de dentelles
où nichent des campanes !
Celle-ci n'a que sur sa jupe de laine ferme une humble cornette, et
que, pour bijoux, en dedans de l'argentin liseron de l'enfant de chœur,
en dehors le coq : vif épi du bonheur.
Sous la forme de cercueils et de béquilles, souvente fois la
pénétrèrent catastrophes et douleurs.
Que ne suis-je assez pur afin d'entrer, comme on entre dans une
âme de promise !
Cependant tâchons de voir par son œil de rosace
Ce grandiose petit cœur qui bat au mitan, colombe d'espérance !
Mais voici la gardeuse en joie
Tellement que son porche affecte un air de pan de jupe
retroussé. Soudain la joie craque d'un si fol rire que toutes
ses quenottes volent s'épivarder sur la place, en jet de semence.
Et puérilement je ramasse les dragées du baptême.
Saint-Pol-Roux
|
Dit de la Force et de l'Amour
Entre
tous mes tourments entre la mort et moi
Entre mon désespoir et la raison de vivre
Il y a l'injustice et ce malheur des hommes
Que je ne peux admettre il y a ma colère
Il
y a les maquis couleur de sang d'Espagne
Il y a les maquis couleur du ciel de Grèce
Le pain le sang le ciel et le droit à l'espoir
Pour tous les innocents qui haïssent le mal
La
lumière toujours est tout près de s'éteindre
La vie toujours s'apprête à devenir fumier
Mais le printemps renaît qui n'en a pas fini
Un bourgeon sort du noir et la chaleur s'installe
Et
la chaleur aura raison des égoïstes
Leurs sens atrophiés n'y résisteront pas
J'entends le feu parler en riant de tiédeur
J'entends un homme dire qu'il n'a pas souffert
Toi
qui fus de ma chair la conscience sensible
Toi que j'aime à jamais toi qui m'as inventé
Tu ne supportais pas l'oppression ni l'injure
Tu chantais en rêvant le bonheur sur la terre
Tu rêvais d'être libre et je te continue.
Paul Eluard
|
" Cet instant
où la beauté, après s'être fait longtemps
attendre surgit des choses communes, traverse notre champ radieux, lie
tout ce qui peut être lié, allume tout ce qui peut
être allumé de notre gerbe de ténèbres "
René
Char
" Vous croyez en
ce qui monte de votre base, et pourquoi non en ce qui descend de notre
sommet ? L'expérience, d'accord, mais si le sujet vous
dépasse, à moins qu'il ne vous surpasse, ou si vous
êtes dépourvus d'instruments adéquats,
immolerez-vous ab ovo, sans plus, le bel oiseau. "
Saint-Pol-Roux
|
Vers de hautes portes
Seul est mien ce pays
Qui se trouve en mon âme ;
Comme un familier, sans papiers, je m'y rends.
Il voit ma tristesse et ma solitude,
Il me couche pour m'endormir,
Me recouvrant d'une pierre d'odeurs.
Un vert jardin fleurit en moi, des
fleurs imaginées,
En moi mes propres rues s'étendent.
Les maisons manquent
Depuis le temps de mon enfance elles sont en ruines,
Leurs habitants s'égarent dans les airs,
Ils cherchent un logis, ils vivent dans mon âme.
Voici pourquoi quelquefois je souris
Quand le soleil scintille à peine,
Ou bien je pleure
Comme une pluie légère dans la nuit.
Marc Chagall
|
|
Que jamais la voix de l'enfant
En lui ne se taise, qu'elle tombe
Comme un don du ciel offrant
Aux mots desséchés l'éclat de son
Rire, le sel de ses larmes, sa toute -
Puissante sauvagerie
Louis-René
des Forêts
Puisqu'il faudra enfin
redécouvrir le jour
Il est temps de gagner quelque part la nuit vraie
Qui parle par les arbres les bêtes le silence
Et la lumière timide aux fentes d'un volet.
Claude Serreau
|
|
La
racine n'est qu'espérance, montée patiente dans le noir
vers le jour qu'elle ne sait pas et ne verra jamais
Marie
Noël
|
Qu'est-ce que le cerveau humain, sinon le palimpseste immense
et naturel ? Mon cerveau est un palimpseste et le vôtre aussi,
lecteur. Des couches innombrables d'idées, d'images, de
sentiments sont tombés successivement sur votre cerveau, aussi
doucement que la lumière. Il a semblé que chacun
ensevelissait la précédente. Mais aucune en
réalité n'a péri
Dans le spirituel non plus que dans le matériel, rien ne se
perd. De même que toute action, lancée dans le tourbillon
de l'action universelle, est en soi irrévocable et
irréparable, abstraction faîte de ses résultats
possibles, de même toute pensée est ineffaçable. Le
palimpseste de la mémoire est indestructible.
Oui, lecteur, innombrables sont les poèmes de joie ou de chagrin
qui se sont gravés successivement sur le palimpseste de votre
cerveau.
Charles
Baudelaire
|
Un écureuil dans
les arbres du bord. Aussi roux que l'automne il s'arrête.
Il m'a vu. Dix seconde de soleil entre nous.
Bientôt tout redeviendra gris.
François de Cornière
|
Il faut
intarissablement se passionner, en dépit d'équivoques
découragements et si minimes que soient les réparations
L'acte poignant et si grave d'écrire quand l'angoisse se
soulève sur un coude pour observer et que notre bonheur s'engage
nu dans le vent du chemin
xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxRené Char
|
Fierté de l'homme en marche sous sa charge
d'éternité !
Fierté de l'homme en marche sous son fardeau d'humanité
Saint-John Perse
|
Il est des jours
marâtres,
D'autres sont de vrais mères.
Heureux et bientôt riche
Celui qui de tout cela gardant
Le savoir travaille sans offenser
Ceux qui ne meurent jamais.
Il comprend les signes des oiseaux,
Il évite de passer outre.
Hésiode
|
|
" Bene
vivere et laetari "
xxxxxx x xxxx xxxxxx xxxxx
Bonaventure des Perriers
|
Ce que peut le poème
Il
est rare que les mots
soient des mains secourables
pour vous hisser plus haut
que les chagrins
rare
que les mots soient un baume
et le grain de la voix
le bruissement de soie
dans la gorge des roses
Il
advient pourtant qu'ils sachent frémir
éveiller dans les arbres
leur rêve profus de ramures
et traduire en échos en reflets
le
temps d'un battement de cils
le palimpseste des saisons
un chemin d'ailes sur la mer
rendre au silence couleur et naissance
Gilles Baudry
|
|
Un des
six poèmes du XIIe siècle qu'il reste de Jaufré
Rudel |
Quand la source
du ruisseau
S'éblouit de soleil neuf
Quand naît la fleur d'églantier
Quand au bois le rossignol
Module, affine, répète
Sa chanson qu'il veut parfaite,
Je reprends le mien refrain. |
|
|
Le soir où Armand Robin traduisit Maodez Glandour
O Santual an
noz pallennet gant voulouz,
O neved an noz,
Stered ennãn da c'houleier o lugerniñ
Disourr, didrouz...
Nemet du-hont war lez al lenn,
Lamm ur glesker efreskter an dour. |
|
|
O sainte nef de la nuit plafonnée de velours,
Haute nef de la nuit,
De stellaires lampes à tes lustres luisent
Nuit pure, si gente en ta calme nuitée
Ni bruit chutant, ni chuchotis...
Seul, là-bas, au long du lac, le silence des chutes
De grenouilles glissées en la fraîcheur de l'onde |
|
Truilhek
eo va diavaez. Petra 'vern !
Ennon e lugern ur palez
Mon
extérieur est en haillons. Peu importe !
En moi resplendit un palais.
|
|
Maodez
Glandour
|
Em c'hreiz
'anavan ur gambrig milgaret
Sklaeraet gant gouloù dous ur greuzeulig.
En mon
centre, je connais une petite chambre très aimée
Éclairée par la douce lumière d'une lampe.
|
|
Couleur de l'éternel
Couleur
de l'infini, couleur de l'éternel,
La poésie annonce un flocon de lumière.
À l'âme qui le porte au-dessus de la nuit
Tout semble s'envoler vers la beauté du ciel.
Douceur
de l'infini, douceur de l'éternel,
Enfin la grâce affleure au centre des esprits.
Christine Guénanten
|
|
Et tant vaut la
journée qui va finir,
Si précieuse la qualité de cette lumière,
Si simple le cristal un peu jauni
De ces arbres, de ces chemins parmi des sources,
Et si satisfaisantes l'une pour l'autre
Nos voix, qui eurent soif de se trouver
Et ont erré côte à côte, longtemps
Interrompues, obscures,
Que
tu peux nommer Dieu ce vase vide,
Dieu qui n'est pas, mais qui sauve le don,
Dieu sans regard mais dont les mains renouent,
Dieu nuée, Dieu enfant et à naître encore,
Dieu vaisseau pour l'antique douleur comprise,
Dieu voûte pour l'étoile incertaine du sel
Dans l'évaporation qui est la seule
Intelligence ici qui sache et prouve.
Yves
Bonnefoy
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Je ne vois pas l'oiseau
Refusant de chanter
Pour ne pas
Déranger la haie.
Je ne vois pas l'oiseau
Que ça fatiguerait
D'assister chaque soir
Au baiser du soleil.
Je ne vois pas l'oiseau
Faire sa cour à la rose,
Mais je les vois tous
deux
Faire ensemble la cour
Au soleil qui s'ébroue.
Je ne vois pas l'oiseau
Et je ne l'entends pas
Frôler l'éternité.
Eugène Guillevic
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" Âpreté du chant
perdu, retrouvé
Âpreté mais nécessité de mon chant,
tristesse de mon chant, inutilité massive de mon chant
et cependant je chante. "
" Rien ne meure, tout recommence. Prends ta harpe
La révolution par le chant. Une arme, la mélopée. "
Xavier Grall
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"
La poésie [Elle]
est la source. Elle tient aussi le fil de la mort, sans qu'elle le
coupe. Ariane trouve toujours d'autres Thésée pour les
changer en Icare. Cependant cette source est faite d'expérience
sensible, ainsi que de mots, dont on ne sait trop ce qu'ils sont. Qui
est l'ombre de qui ? Il y a les poèmes qu'on écrit ou
qu'on tait, il y a les poèmes que les autres nous donnent
à lire, à travers le temps. Ce n'est pas
l'éternité, mais c'est tout de même la persistance
du plus pur vivant
Bien sûr, plus on lit de poésie, plus on en écrit,
moins on peut dire ce que c'est. Peut-être qu'Orphée, de
retour des enfers, se retourne vers Eurydice parce qu'il sent son
abandon ? Je marche, je piétine et je creuse. J'aime la nuit,
mais j'aime aussi garder les yeux ouverts, longtemps. Sur un
itinéraire que j'emprunte presque chaque jour, il y a des arbres
que j'essaie de connaître un peu au fil des saisons. La semaine
dernière, après une tempête, l'un a perdu un bras,
qui traîne encore dans l'herbe. Il a l'air d'avoir mal, mais il
ne dit rien. Il ne me fait même pas signe de m'arrêter, de
le plaindre. Quelle est cette force ? Les mots le diront-ils ? J'ai
l'impression qu'ils disent toujours autre chose. Je voudrais beaucoup
de clarté et j'ai bien du mal à l'atteindre, à
l'approcher. Il y a des masses de mots à fendre, comme granit.
Ce travail est bon. J'admire les poètes qui savent être
clairs tout en opérant une trouée dans ce qui
échappe au sens. C'est une affaire de langue, mais aussi de
regard. Apprendre à écrire, apprendre à lire"
Éric
Simon
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Dans les pas de Cadou
J'ai parcouru la
Brière jusqu'aux portes de Guérande
Emplissant mon sac d'aubépine blanche
De soleil naissant par delà les ténèbres
De vent sauvage perdu dans les roseaux
De cris d'enfants jouant sous le préau
J'ai marché dans les pas du Poète
D'auberge en auberge
J'ai partagé le vin ma douleur et ma faim
Avec ses amis d'hier
Hommes et femmes de cœur aux langages secrets
Manoll et ses copains de Rochefort
Sans oublier Fréour et ses belles naïades
Où l'on aime à se blottir pour mieux y faire son nid
Par bonheur
Le voyage n'est pas fini
Il me reste tant de choses à découvrir
Car nous le savons
Les artistes sont éternels
Qu'elles soient de papier, de bois ou de pierre
Les œuvres leur survivent
Elles nous parlent d'amour et d'amitié
De jeunes filles nommées Destin Danaé ou liberté
De résistance
D'engagement pour des causes perdues d'avance
A nous de savoir les écouter
Les regarder
Et pourquoi pas
D'un geste simple et doux
Les caresser
Alors le rêve devient réalité
Yves Maurice
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Réflexions
sur la condition humaine
L'Ecclésiaste 8, 9 - 9,7
J'ai examiné
avec soin tout ce qui se passe sur la terre, où l'être
humain domine son semblable et le rend malheureux. J'ai vu des
méchants à qui on faisait des funérailles. Ces
gens-là avaient fréquenté le temple. À
Jérusalem on avait oublié leur comportement. Voilà
encore une chose anormale. Celui qui agit mal n'est pas puni dans
l'immédiat. C'est pourquoi les humains sont prêts à
commettre tant de mauvaises actions. Un pêcheur peut être
l'auteur d'une centaine de méfaits et vivre très
longtemps. Je sais bien qu'on affirme : " Seuls ceux qui respectent
Dieu seront heureux, parce qu'ils reconnaissent son autorité. Le
méchant, lui, ne sera pas heureux. Il passera comme une ombre et
mourra jeune parce qu'il ne tient pas compte de Dieu. " Pourtant il
arrive sur la terre que les bons soient injustement traités,
comme des méchants. Inversement les méchants connaissent
parfois la réussite que méritent les justes. J'affirme
que cela aussi est absurde.
Pour ma part, je célèbre la joie. En effet, le seul
bonheur de l'homme sur la terre est de manger, de boire et
d'éprouver du plaisir. Voilà ce qui doit accompagner son
travail chaque jour que Dieu lui donne à vivre sur la terre.
Je me suis appliqué à comprendre comment on pouvait
être sage et j'ai observé attentivement les occupations
des humains sur la terre. J'ai constaté que, même en
restant éveillés nuit et jour, nous ne pouvons pas
découvrir comment Dieu agit à travers tout ce qui arrive.
Les humains peuvent bien se fatiguer à chercher, ils ne le
découvrent pas. Même si le sage affirme qu'il le sait, il
n'est pas capable de le comprendre.
Alors j'ai prit en
considération tout ce que j'ai vu. J'en ai conclu que Dieu seul
à pouvoir sur la vie des justes et des sages comme sur leurs
actions. Les hommes ne savent même pas s'ils connaîtront
l'amour ou la haine. Ils ne peuvent rien prévoir. Et c'est
pareil pour tout le monde. La condition du juste et du méchant,
du bon et du mauvais est identique. Il n'y a pas de différence
entre celui qui accomplit les rites religieux et celui qui ne les
accomplit pas, entre celui qui offre des sacrifices et celui qui n'en
offre pas, entre celui qui est bon et celui qui est pêcheur,
entre celui qui fait des promesses à Dieu et celui qui n'ose pas
en faire. La condition humaine est la même pour tous et les
conséquences qui en résultent sont désastreuses :
les hommes se livrent au mal et ont des désirs insensés,
ensuite il ne leur reste plus qu'à mourir. Or seul celui qui est
en vie peut encore espérer : un chien vivant vaut mieux qu'un
lion mort ! En effet, les vivants savent au moins qu'ils mourront, mais
les morts, eux, ne savent rien du tout. Ils n'ont plus rien à
attendre puisqu'ils sont tombés dans l'oubli. Leurs amours,
leurs haines, leurs jalousies sont mortes avec eux et ils ne
participeront plus jamais à tout ce qui arrive sur terre.
Alors, mange ton pain avec plaisir et boit ton vin d'un cœur joyeux,
car Dieu a déjà approuvé tes actions. En toute
circonstance, mets des vêtements de fête et n'oublie jamais
de parfumer ton visage. Jouis de la vie avec la femme que tu aimes,
chaque jour de la brève existence que Dieu t'accorde sur la
terre. C'est là ce qui te revient dans ta vie pour la peine que
tu prends ici-bas. Utilise ta force à réaliser tout ce
qui se présente à toi. En effet on ne peut pas agir ni
juger, il n'y a ni savoir ni sagesse là où sont les morts
que tu iras rejoindre.
|
Chapelle de la Madeleine en Penmarc'h - Finistère
LA RÉSURRECTION
Vitrail central
Jean Bazaine
|
" Je fais des
moulinets sauvages en brandissant mon petit crayon comme une faux, sans
parvenir pour autant à couper la végétation drue
de mon esprit "
Esther Hillesum
|
Il y a un chant de femme
du XIIe siècle
Li solous luist et clers et biaus
chanté par Brigitte Lesné
qui dit ceci :
Le soleil luit, brillant
et beau
Et j'écoute le doux chant des oiseaux
Qui chantent dans les arbrisseaux
Ils m'entourent de leurs chants nouveaux
Triste et ressassant mon
malheur
Je m'en vais vers la mort, composant
Mon chant, qui n'est pas discordant ;
J'en fais un lai doux et harmonieux
Sur ma mort que je vois
approcher
Je fais un poème qui sera très précieux.
|

|
" Dieu, je veux chanter pour toi
un chant nouveau,
je veux te célébrer
sur la harpe à dix cordes. "
Ps 144.9
" Réveillez-vous
ma harpe et ma lyre :
il faut que je réveille l'aurore. "
Ps 108.3
|
Près du ruisseau
Un passereau
Dans le lit clos
Des herbes blondes...
... Si je t'écoute
Tout mon coeur nu
Aime à l'envi
Près du ruisseau
Jean-Pierre
Boulic
|
|
L'hiver fou
et les longues nuits
sont venus.
Nous sommes
ici, la nuit est sombre
et la passion longue.
Nous n'avons
pas envie de dormir,
notre cœur est devenu fou :
Celui qui a un
cœur,
comment resterait-il tranquille ?
quatrain de Rûmi
|
La cloche se tait -
Les fleurs en écho
Parfument le soir !
Matsuo Bashô
|
Amour
:
Il y a de l'amour quand la feuille de papier reçoit bien
l'encre, est en bonne harmonie avec elle.
Épair
:
Transparence du papier. Sa qualité dépend de la
disposition et de la distribution des fibres dans la feuille.
|
|
Georges
Emmanuel Clancier
Une
fleur
Parfois une herbe
pour logis.
A
l'ombre
D'un hêtre
La chambre secrète
Contre-chants
Le
langage est ancien qui sourd de ce monde
En sa naissance et sa clarté première.
Ne commets pas la faute dérisoire :
L'orgueil éteint le chant ou la lueur.
Juste est le galet, solennel le souffle
De la femme, de l'enfant et de l'algue enlacés.
La vie parle si fort que je ne puis me taire
Terres de
mémoire
Si
ça me chante : arbre le cheval,
Si ça m'enchante, roche la fleur
Peut-être
une demeure
Ensevelie
la parole qui nous sommait de vivre
Hanche nue au bord de la nuit d'été,
Si perdue sous les ronces folles des mots
Que plus jamais le chant n'en pourra retentir.
Le poème
hanté
|
|
|
Il arrive qu'on
oublie des arbres qui pourrissent tout doucement dans la forêt
mais les forêts se nourrissent des arbres morts, les forêts
font feu de tous bois
Soudain la chose est
là, bondit, vous coupe le souffle, vous tord, un vent de panique
vous secoue comme un arbre, vous dépouille, la fulgurante
intuition de la contingence, de l'innimportance de tout, du vide tandis
qu'une joie inexplicable se déplie, vous ouvre.
Est-ce donc qu'on
produit les mots comme un arbre ses feuilles ou ses fruits
Jean Sulivan Petite littérature individuelle
La
feuille, la fleur ont déjà fait leur parcours
d'assomption : tandis que la racine vous entraîne avec elle dans
sa montée vers la lumière.
Jean Sulivan
|
Avoir été une seconde
Dans le fouillis de ces temps-ci
Une étincelle une colombe
Une passerelle de vie
Avoir été dans
la cohue
Un p'tit caillou dans un soulier
Un nom crié dans une rue
Et des visages retournés
Avoir été un
simple pétale
Serré aux creux d'un vieux bouquin
La fidèle paire de sandales
De tous les françoisiers chemins
Avoir été sans importance
Dans les discours sur la raison
Un rouge-gorge qui s'avance
Quêter les miettes aux maisons
Avoir été sur la grand-route
Une forme disparaissant
Dans un enclos âne qui broute
Et qui vous regarde innocent.
Philippe Forcioli
|
" Chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage "
"
Tant de villes rasées, tant de nations exterminées, tant
de millions de peuples passés au fil de l'épée, et
la plus riche et belle partie du monde bouleversée pour la
négociation des perles et du poivre ! "
Michel de Montaigne
|
L'escargot
argenté, dans sa cotte de mailles, dit : " vaille que vaille, en
ce beau matin d'été, ma chance je veux tenter.
" Toute prudence et sapience, il sort une corne morne. Pan !
Quelqu'un m'a mordu, non, battu ! " Il expire, non, non, dans sa
coquille il se retire. Deux fourmis, qui transportaient un grain de
mil, déposent leur fardeau et éclatent de rire : " Grand
sot, sors donc ! Viens t'amuser ! Ce que tu as reçu sur le nez,
ce n'est qu'une graine de pissenlit ! " " Grand merci ! dit l'escargot.
Ce que vous appelez la vie, cela me fait bien trop peur ! "
" Quel beau jour, quelle belle prairie tu as choisi pour naître !
", s'écrièrent les fleurs. " Mais tu as de la chance ma
chère ! " dit le géranium sauvage, qui avait de la
culture. Les silènes, les pâquerettes, les boutons d'or,
les campanules, les petits oeillets et les orties blanches, toutes les
fleurs à qui mieux mieux lui souhaitaient la bien venue. Et
elles étaient si hautes, si hautes, elles montaient jusqu'au
ciel, aux yeux du papillon. " Seulement, mon cher petit, souffla une
vieille limace, qui étreignait l'envers d'une feuille d'oseille,
ne traverse pas le sentier. Reste toujours de ce côté-ci.
Crois-moi, de l'autre côté, tout est pareil, les
mêmes fleurs, la même verdure. Reste à ta place, et
voltige en paix ! " Mais le papillon en avait entendu assez. " Quelle
idée ! Rester sur place, caché, rampant, ne pas
connaître l'aventure grisante, en plein ciel ! " Ses ailes
frémissaient de mépris. " Vous me prenez pour une limace
! " Et de s'envoler. Mais juste au même moment, un vilain vieux
chien sale, sa maigre queue entre les jambes, apparaissait sur le
sentier. Il ne regarda même pas le papillon. Clac ! Un coup de
dent, et il s'en fut. Le petit papillon gisait à terre, petite
tâche rose et noire, mort. Tout le monde le pleura, sauf la
fougère arborescente, qui se moque de tout et n'a ni foi ni loi.
Katherine
Mansfield
|
Comme
la flèche à la corde résistant,
Pour en mieux prendre l'élan, devient plus qu'elle-même
Rainer Maria Rilke
|
Calliope
était la muse de la poésie épique et de
l'éloquence,
ainsi nommée à
cause de la douceur de sa voix,
c'est aussi le nom d'un astre.
|
Claire et
François
|

|
Richard van Rhijn
|
|
" Le poème est un
chemin qui cultive ses ronces "
Yves Prié
|
Dans les bois
tranquilles, quel drame !
Quel drame héroïque, ce bois calme ! Et plus loin, sous le
soleil, quel combat, ce verger ! Peu d'arbres ont poussé droit.
La croissance de la plupart accuse une lutte opiniâtre. Troncs
penchés, déjetés, renversés en
arrière, laborieusement redressés, branches
contrariées, ramenées sur elle-même, nouées,
tourmentées, tendues pour la difficulté et la
défense ; racines déchaussées, arrachées
presque, bizarrement tordues et contractées qui se sont
donné une terrible, lente, patiente peine dans la bataille avec
le sol, avec les vents, avec les autres racines pour soutenir le poids
de l'arbre exposé au ciel.
Dans la plante, les feuilles et les fleurs sont beauté, les
fruits, richesse, mais la racine n'est que force de foi.
La racine n'est qu'espérance, montée patiente dans le
noir vers le jour qu'elle ne sait pas et ne verra jamais
Marie Noël
|
Je tends en
bol fou le bol des fontaines
Où tombent le temps, le ciel, la plaine.
Qu'ils tombent, moins lourds qu'un pleur,
Que n'y tombent ni songes, ni peines !
Armand
Robin
|
Voici, je vous donne
toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de
toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d'arbres et portant
de la semence.
Genèse
I, 29
|
Regarde de tous tes
yeux, regarde.
Michel Strogoff, Jules
Verne
|
Le
printemps
Peinture murale déposée sur panneau provenant de Stabies
Naples, Musée national.
Oiseau
dans un nid donnant la becquée
première moitié du IIIe siècle, cimetière
du Prétextat.
Sosos de Pergame, mosaïste grec à qui l'on
attribue la création du motif des oiseaux occupés
à boire autour d'une coupe de marbre
|
 |
" Bretaigne
est poésie "
Marie
de France XIIIe siècle
Il y a eu souvent des
aveugles parmi les poètes depuis Homère. En Bretagne Yann
ar Minouz, Kerambrun, Le Prigent, Kerhervé, Jack en Dall n'y
voyaient pas des yeux mais des yeux seulement. Guillam Le Borgne, lui,
ne l'était pas. Que de gwerz et de sôn ils firent
" La poésie, dit un
proverbe breton, est plus forte que les trois choses les plus fortes :
le mal, le feu et la
tempête. "
Yann Brékilien La
vie quotidienne des paysans en Bretagne au XIXe siècle
La gwerz est une complainte,
un poème épique tandis que le sôn est un chant
lyrique.
|
Ceux qui donnent aux
étrangers
Comme aux gens du pays,
Droite justice et ne vont pas
S'écartant du juste,
Leur ville fleurit et les gens
S'y épanouissent
Le trésor le plus précieux parmi
Les hommes, c'est une langue
Qui se ménage, ou qui s'agite
Sans excès. C'est un bonheur
Il est des jours marâtres,
D'autres sont de vraies mères.
Heureux et bientôt riche
Celui qui de tout cela gardant
Le savoir travaille sans offenser
Ceux qui ne meurent jamais.
Il comprend les signes des oiseaux,
Il évite de passer outre.
Hésiode
|
Entre l'amour de ceux
qui ont passé la nuit ici et la sainte messe il n'y a pas de
différence
et si différence il y avait, la messe serait perdante.
José Saramago
|
Sarcophage des Époux
fin du VIe siècle avant J.C.
Terre cuite provenant de Cerveteri, Rome, Villa Giulia
|
Qu'a-t-il donc
sanctifié par cette étonnante communion du pain
sacro-saint, du calice de l'amitié, sinon une neuve et
indissoluble concorde ?
Érasme
|
Les dieux ne te laissent Ulysse, que de
courage !
Non pas de franchir le grand gouffre des mers
Non pas d'affronter les îles éoliennes
Non pas de pénétrer aux maisons de l'Hadès,
mais de n'avoir pas voulu la cire, d'avoir laisser ton oreille
attentive.
Sans doute là tu sus que le danger n'était pas tant de
dehors
Que d'un face à face à toi-même, voix
intérieures meurtrissantes.
encordé au mât, au large d'Amalfi, ta prière
commence.
Ne pas être sourd et laisser sourdre la puissance du souffle qui
dit :
Plus de dieux, Dieu seul, un seul et même, victorieux
après le combat.
Mon nom est Personne avais-tu dit à Polyphème, divin
Ulysse.
Au milieu des sirènes Ulysse en personne.
MLJ Personne
|
Paisa
" Le secret du cinéma pourrait être dans Paisa ".
Leslie Kaplan
Regardons
encore une fois Paisa de
Roberto Rossellini et plus particulièrement
le dernier épisode du film.
Regardons
de nouveau ces images
où les paysans lèvent leurs yeux vers
le ciel étoilé de cette nuit de l'hiver 1944.
Ces
hommes attendent un parachutage qui n'aura pas lieu.
Leurs
yeux scrutant l'espace de la nuit
ne voient que les étoiles. Quand cet espace
existe, il y a un silence absolu.
C'est
la dernière fois qu'il regardent le ciel ainsi.
Le
lendemain, tous perdront leur vie.
Retournons
nous une fois encore vers l'écran.
Vers l'espace de ce ciel étoilé de l'hiver 1944.
Avant
que ne s'achève ce film, dans sa nuit.
Marc
Corigliano
|
Entends-tu, Ô mon roi, ma harpe qui projette
Des lointains à travers lesquels nous nous mouvons.
Rainer Maria Rilke
|
Le besoin de
consolation que connaît l'être humain est impossible
à rassasierJe ne possède pas de philosophie dans
laquelle je puisse me mouvoir comme le poisson dans l'eau ou l'oiseau
dans le cielLa liberté commence par l'esclavage et la
souveraineté par la dépendance. Le signe le plus certain
de ma servitude est ma peur de vivre Mon accession à la
liberté. En quoi consiste donc ce miracle ? Tout simplement dans
la découverte soudaine que personne, aucune puissance, aucun
être humain, n'a le droit d'énoncer envers moi des
exigences telles que mon désir de vivre vienne à
s'étiolerOù l'être humain puisse prouver qu'il est
possible de vivre en liberté en dehors des formes figées
de la société ? Je suis obligé de répondre
: nulle part. Si je veux vivre libre, il faut pour l'instant que je le
fasse à l'intérieur de ces formes. Le monde est donc plus
fort que moi. À son pouvoir je n'ai rien à opposer que
moi-même mais d'un autre côté, c'est
considérable. Car tant que je ne me laisse pas écraser
par le nombre, je suis moi-même une puissance. Et mon pouvoir est
redoutable tant que je puis opposer la force de mes mots à celle
du monde, car celui qui construit des prisons s'exprime moins bien que
celui qui bâtit la liberté.
Stig Dagerman
|
Code de Hammurabi
XXVIIe siècle avant J.-C.
|
J'habite un
espace étroit
mais infini peuplé de mots
de noms d'arbres aussi d'oiseaux
et de "passants considérables"
sous la musique inouïe des choses.
Claude
Serreau
|
« Livrez-vous
à toute étude qui puisse vous éclairer et vous
inspirer l'amour de vos frères. De simples individus se
procurent, en souscrivant, des collections de livres. À leur
exemple, souscrivez aussi, mais en faveur de l'Association :
formez-lui sa bibliothèque et que cette bibliothèque
renferme des Vignoles, des traités de Géométrie,
un Dictionnaire de la langue que nous parlons, un Dictionnaire de
géographie, une Histoire de France, un abrégé de
l'Histoire Universelle, nos Auteurs dramatiques les plus en renom, les
Poèmes anciens et modernes, parce que le peuple aime la
poésie Concevez combien une telle bibliothèque serait
favorable à tous. Elle offrirait à votre esprit un nouvel
aliment et de nouvelles distractions ; vous deviendrez savants, et
quand vous retournerez dans vos pays, vos compatriotes diraient de
chacun de vous : Voilà un homme auquel le Tour de France n'a pas
été inutile !. »
« Que les poètes aux
mains calleuses surgissent de toutes part et le dédain sera
vaincu. Ces poètes, ce sont le boulanger Reboul, les menuisiers
Durand et Rolly, les imprimeurs Hégésippe Moreau,
Lachambaudie et Voitelin, le tisserand Magu, le potier d'étain
Beuzeville, l'imprimeur sur indiennes Lebreton, le cordonnier Lapointe,
le fabricant de mesures linéaires Vinçard, le
maçon Poncy, le vidangeur Ponty, le serrurier Gilland, la
couturière Marie Carré de Dijon, le perruquier Jasmin, et
tant d'autres Tous ces poètes ne chantent pas comme chantaient
jadis l'abbé Dulaurent, l'abbé de Chaulieu, l'abbé
de Bernis, l'abbé de Brécourt, le vin et la prostitution
; non, ce qui les inspire, c'est l'amour du travail et des hommes.
»
Agricol
Perdiguier, menuisier, dit "Avignonnais la Vertu".
|
De la vanité des
paroles
Je ne sçai s'il en advient aux autres comme à moy ; mais
je ne me puis garder, quand j'oy nos architectes s'enfler de ces gros
mots de pilastres, architraves, corniches, d'ouvrages corinthiens et
doriques, et semblable de leur jargon, que mon imagination ne se
saisisse incontinent du palais d'Apolidon ; et, par effect, je trouve
que ce sont les chétives pièces de la porte de ma cuisine.
Michel
de Montaigne
|
Une
petite église de campagne nous remet d'aplomb.
Pourvu qu'elle soit vide. Sans curé. Sans homme.
J'en connais. En moi-même, quelque part, aveuglante
Georges Perros
|
REFUGE
POUR LES OISEAUX
Entrez n'hésitez pas c'est ici ma poitrine
Beaux oiseaux vous êtes la verroterie fine
De mon sang je vous veux sur mes mains
Logés dans mes poumons parmi l'odeur du thym
Dressés sur le perchoir délicat de mes lèvres
Ou bien encor pris dans la glu d'un rêve
Ainsi qu'une araignée dans les fils du matin
La douleur et la chaux ont blanchi mon épaule
Vous dormirez contre ma joue les têtes folles
Pourront bien s'enivrer des raisins de mon cœur
Maintenant que vous êtes là je n'ai plus peur
De manquer au devoir sacré de la parole
C'est à travers vos chants que je parle de moi
Vous me glissez des bouts de ciel entre les doigts
Le soleil le grand vent la neige me pénètrent
Je suis debout dans l'air ainsi qu'une fenêtre
Ouverte et je vois loin
Le Christ est devenu mon plus proche voisin
Je remue des printemps en ramassant vos ailes
Vous savez qu'il y a du bleu dans mes prunelles
Et vous le gaspillez un peu dans tous les yeux
Refermez les forêts sur moi c'est merveilleux
Cet astre qui ressemble tant à mon visage
Un jour vous écrirez mon nom en pleine page
D'un vol très simple et doux
Et vous direz alors c'est René Guy Cadou
Qui monte au ciel avec pour unique équipage
La caille la perdrix et le canard sauvage.
René
Guy Cadou
|
Comment donc savez-vous,
au fond de la terre,
Ensevelie, loin du bruit, sans que la
Température ait changé, par un temps que la vie
A bien du mal à supporter, que la lumière a
Gagné d'un pouce, que le jour s'est allongé d'un rien,
Et que, comme par routine, d'ici quelques semaines,
L'air se sera adouci Oh ! racine de crocus,
Comment savez-vous, comment savez-vous
Thomas
Hardy
|
Il
vaut la peine de planter les boutures de l'avenir si seulement une sur
dix prend racine.
Katherine Mansfield
|
Les
hommes, au fond, ça n'a pas été fait pour
s'engraisser à l'auge, mais ça été fait
pour maigrir dans les chemins, traverser des arbres et des arbres, sans
jamais revoir les mêmes ; s'en aller dans sa curiosité,
connaître.
C'est ça, connaître.
C'est comme ça
que parfois les choses se font et l'espérance humaine est un tel
miracle qu'il ne faut pas s'étonner si parfois elle s'allume
dans une tête sans savoir ni pourquoi ni comment.
Jean
Giono
|
C'est quand, jaillissant
de nous elle déborde,
que la pensée est véridique,
ce n'est plus la nôtre.
Pierre Brosse
|
Ne
crois pas le monde une auberge - créée
Pour se frayer chemin par la griffe et le poing
Vers la table où l'on boit et l'on bâfre, tandis
Que regardent de loin les autres, les yeux glauques,
Défaillant, ravalant leur salive, serrant
Leur estomac que les crampes secouent,
Ô ne crois pas le monde une auberge !
Ne
crois pas le monde une Bourse - créée
Afin que le puissant marchande avec le faible
Pour acheter leur déshonneur aux filles pauvres
Et aux femmes leur lait nourricier, aux hommes
La moelle de leurs os, leur sourire aux enfants,
Rare apparition des visages de cire,
Ô ne crois pas le monde de la Bourse !
Ne
crois pas le monde une jungle - créée
Pour les loups, les renards, rapine et duperie,
Le ciel - rideau tiré pour que Dieu ne voit rien,
La brume - afin qu'au mur nul regard ne te fixe,
Le vent - pour étouffer les plus farouches cris,
La terre pour lécher le sang des innocents,
Ô ne crois pas le monde une jungle !
Non,
le monde n'est point auberge, Bourse ou jungle
Car tout y est pesé, tout y est mesuré,
Nulle goutte de sang et nul pleur ne s'effacent
Nulle étincelle en aucun œil ne meurt en vain,
Les pleurs deviennent fleuve et le fleuve une mer
Et déluge la mer, l'étincelle tonnerre,
Ô ne crois pas qu'il n'est Juge ni Jugement !
Itzhak-Leibush Peretz
|
Contre vents et marées
Pouvoir se maintenir
Goethe
Vers écrits sur le
mur de sa prison avant de mourir par Hans Scholl
|
La poésie est la seule fortune et
parfois l'ultime recours de tout peuple dépossédé.
Charles Dobzynsky
|
Kafka écrivait en 1904 à
son ami Oskar Pollak :
" Il me semble
d'ailleurs qu'on ne devrait lire que les livres qui vous mordent et
vous piquent un livre doit être la hache qui brise la mer
gelée en nous. Voilà ce que je crois. "
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" Ceux qui savent lire voient
deux fois mieux "
Ménandre,
poète attique du IVe siècle avant J.C
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Ce qui vient au monde pour ne rien
troubler ne mérite ni égards ni patience...
Tu feras de l'âme qui n'existe pas un homme meilleur qu'elle...
Ne te courbe que pour aimer...
Si tu meurs, tu aimes encore...
Si nous habitons un éclair, il est
le cœur de l'éternel...
René
Char
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" Ne fouillent pas le
même humus
nos racines,
ni ne s'abreuvent
à la même lumière nos feuilles,
mais nos branches
peuvent
s'entremêler, nos oiseaux s'échanger. "
Gilles Baudry
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Frère, ô doux
mendiant qui chantes en plein vent,
Aime-toi, comme l'air du ciel aime le vent.
Germain Nouveau Frère,
poussant les bœufs dans les mottes de terre,
Aime-toi, comme aux champs la glèbe aime la terre.
Frère, qui fais le vin
du sang des raisins d'or,
Aime-toi, comme un cep aime ses grappes d'or.
Frère, qui fais le
pain, croûte dorée et mie,
Aime-toi, comme au four la croûte aime la mie.
Frère, qui fais
l'habit, joyeux tisseur de drap,
Aime-toi, comme en lui la laine aime le drap.
Frère, dont le bateau
fend l'azur vert des vagues,
Aime-toi, comme en mer les flots aiment les vagues.
Frère, joueur de luth,
gai marieur de sons,
Aime-toi, comme on sent la corde aimer les sons.
Mais en Dieu, Frère,
sache aimer comme toi-même
Ton frère, et, quel qu'il soit, qu'il soit comme toi-même.
Germain
Nouveau
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La rose est sans pourquoi;
elle fleurit parce qu'elle fleurit,
N'a garde à sa beauté, ne cherche pas si on la voit.
Angelus
Silesius
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Je vous invite donc
à chercher des livres vrais, issus d'une expérience
authentique, écrits avec du sang, de la joie et de la douleur.
En tout homme, il y a des forces insoupçonnées de
réveil et d'allégresse. Si pour vous, tel ou tel livre a
été une illumination et a changé votre vie,
dites-le moi, je m'en ferai l'écho. N'est-ce pas là aussi
œuvre de charité ?
Jean Sulivan
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" Ils ne
savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait "
Mark
Twain
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La Boétie a
16 ou 17 ans lorsqu'il écrit Le discours de la servitude
volontaire. C'est par la force de ce texte qu'un certain Montaigne
veut en connaître son auteur.
Il était à la moitié de sa courte vie.
Plus tard il inspirera la pensée de nombreux auteurs dont Simone
Weil pour sa méditation sur l'obéissance et la
liberté dans Oppression et liberté (1934).
" La soumission du plus grand nombre au plus petit, ce fait
fondamental de presque toute organisation sociale, n'a pas finit
d'étonner tous ceux qui réfléchissent un peu...
que beaucoup d'hommes se soumettent à un seul est assez
étonnant, mais qu'ils restent soumis au point de mourir sur son
ordre comment le comprendre ?
Lorsque l'obéissance comporte au moins autant de risques que la
rébellion, comment se maintient-elle ?..."
Éternité d'un dire contre tout pouvoir, une pensée
déposée aux pieds de notre temps aussi, puissiez-vous la
ramasser en chemin : c'est une leçon d'éthique et de
morale pour tous.
A noter que le titre entier est De la servitude volontaire ou
Contr'un et que c'est ce dernier terme que reprend S. Weil
MLJH
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